Quand cet homme est venu, je n'ai pas demandé
Pour quel amour battait le coeur de sa poitrine ;
Je ne l'ai pas interrogé sur sa doctrine
En matière de culte ou de gouvernement :
Simplement, le plus simplement
Du monde, j'ai regardé
Ses yeux et le pli de sa bouche ;
Alors il m'a souri d'une façon très douce,
Et nous sommes allés nous promener dans l'herbe
En face du vaste horizon.
Les splendeurs de la saison,
Le long frisson du vent sous les rameaux superbes,
La touchante beauté des choses,
Sans contrainte, sans vaines gloses
Ont mis nos coeurs à l'unisson,
Et nous sentant meilleurs tout à coup, laissant geindre
Au repaire ses hommes-loups,
La rancoeur, l'envie et la fièvre,
Nous avons échangé au souffle de nos lèvres
Ce mot sacré : Ami !
Qui est plus beau que tout.
Philéas LEBESGUE
Après avoir tenu une boucherie pendant de longues années dans l'Oise à Ons-en-Bray
Ernest et Reine CARON ont dû cesser leur activité suite aux problèmes de santé d'Ernest.
Ils se sont alors tournés vers l'agriculture à Apremont dans les Ardennes.
Les archives communales d'Apremont m'ont permis d'y dénicher
une fiche individuelle d'enquête agricole de 1929-1930
qui précise la superficie des terres cultivées ainsi que
son rendement.
Voici la liste détaillée :
2 hongres
1 jument
1 poulain
1 taureau
2 vaches laitières
7 génisses
10 veaux
1 chèvre
1 chevreau
22 poules et coqs
4 oies
7 canards
5 dindes et dindons
12 pigeons
18 lapins
La bicyclette
Toi, tu me plais. Tu es agile,
Tu es fine et nerveuse
Comme l'hirondelle et comme les chevreuils;
Tu franchis vallons et collines;
Tu es ivre du moindre rayon de soleil matinal;
Tu es heureuse d'être libre,
Et de fuir par la campagne.
Souple et vive
Tu bois l'espace!...
Tu me plais, et je veux que tu sois ma compagne;
Avec tes muscles d'acier,
Tes roues
Qui agrippent le gravier,
Tu t'élances sur la route :
Les pierres du sentier
N'arrêtent point ta course,
Ni le clair filet d'eau qui jaillit de la source,
Ni les feuilles mortes des bois,
Ni la pelouse....
Je te vois jaillir de la forge,
Métal brûlant et rouge aux reflets bleus;
Je te vois peu à peu prendre forme....
Que le mécanicien ajuste la brasure ;
Qu'il tende tes rayons de la jante au moyeu;
Qu'un féal cortège de billes
Arme contre l'usure
La tige
De chaque essieu;
Que chaque écrou, d'un tour de clef habile,
Prenne sa place la plus sûre,
Et que le pédalier soit bien réglé de jeu!
Or le voici bien d'aplomb et gracile,
Avec son nickel qui brille,
Et où le soleil fait feu !
Te voici comme un jeune oiseau qui rêve :
L'air entassé captif en la prison des pneus
Te soulève!
A l'homme maintenant d'avoir du cœur!...
Pâquerette
Pâquerette, pâquerette,
Il y a des gouttes d’eau
Sur ta collerette
Et tu plies un peu le dos…
Pâquerette, pâquerette,
Le beau soleil printanier
Viendra-t-il les essuyer ?
Pâquerette, pâquerette,
Qui souris près du sentier,
Je te le souhaite…
Pâquerette, pâquerette,
Il y a sur ton cœur d’or
Un frelon en fête ;
Tant il est ivre qu’il dort !
Pâquerette, pâquerette,
L’aile du vent printanier
Va-t-elle le balayer ?
Pâquerette, pâquerette,
Qui rêves près du sentier,
Je te le souhaite.
Bel automne
À moi tes pommes !
Aux glèbes fraîches,
Mon blé germe :
Qu'importe le passé ? J'ai semé l'avenir.
Les feuilles sèches,
Au gré du vent peuvent courir
Dans la brume des soirs ternes ;
Si j'ai du cidre
En mon cellier,
Il m'est permis d'oublier
L'angoisse même de vivre,
L'angoisse de marcher ployé,
Et d'être si peu, si peu libre !
La pomme
Bel automne
À moi tes pommes,
Qui sont rougeaudes comme joues de jeune vierge !
J'y veux mordre à pleines dents ;
J'y veux boire à pleines lèvres :
Bel automne,
À moi tes pommes
Pour le pressoir qui les attend !
J'en veux faire éclater la fine chair
Entre les mâchoires de fer ;
J'en veux tirer la liqueur blonde ;
À grand effort de vis et de levier,
J'en veux faire jaillir une source de songe !
Pour défier
L'ennui de l'hiver et des mois sombres,
Rien ne vaut une cave pleine et froment au grenier.
Mon père
Mes pas dans les tiens, mon Père,
Etouffent leur bruit mou, ce soir,
Dans la bruyère
Où tu vins si souvent t’asseoir,
Pour y bercer ton rêve austère ;
Mes pas dans les tiens,
Mon père, Je me souviens...
Voici le ruisseau, mon Père,
Où nous buvions, loin des regards,
La belle eau claire ;
Voici la prairie aux grisards ;
Voici le sentier aux fougères .
J’entends le ruisseau, Mon Père,
Dans un sanglot...